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Licenciement collectif: appréhender l'impact humain

Après l’excellent article de Me Dominic Steffen sur les exigences et les procédures à suivre pour les entreprises contraintes de procéder à des licenciements collectifs suite notamment à la pandémie du covid-19, nous vous proposons aujourd’hui d’aborder l’aspect humain du licenciement collectif. Quel est l’impact émotionnel de ce dernier sur les collaborateurs « désignés » ? Et sur les collaborateurs qui restent dans l’entreprise ? Comment gérer émotionnellement ce cataclysme annoncé ?

Même si rationnellement, un licenciement collectif peut être d’autant plus acceptable qu’il est attendu pour cause de pandémie, la situation pour l’individu reste la même : il perd son emploi, son titre, son statut, ses revenus, ses collègues, une forme de famille. Le choc est immense.

Nous allons voir comment les entreprises peuvent entendre et prendre en compte ce choc, et atténuer l’effet potentiellement dévastateur de l’annonce sur les employés remerciés, auxquels elles ont demandé auparavant un engagement total et une loyauté sans faille. Nous verrons aussi comment elles peuvent prendre soin de « ceux qui restent », les épargnés du plan social.

Pour ceux qui partent

L’annonce effective du licenciement, qu’il soit individuel ou collectif et quelles que soient les circonstances, est toujours un choc pour le collaborateur. La perte involontaire de son emploi est un changement décisif dans la vie d’une personne et peut être apparentée à un deuil. Il convient d’en prendre conscience et soin. En sous-estimer l’importance ne fait qu’en prolonger la durée.

La psychiatre Elisabeth Kübler-Ross a modélisé une courbe du deuil en plusieurs étapes qui peut être adaptée à l’entreprise :

 

 

  1. Le choc et le déni : le moment de l’annonce, l’ouverture de la lettre. Les oreilles bourdonnent, la vue se brouille, le collaborateur croit avoir mal entendu ou que les RH se sont trompés.
  2. La colère et la peur : la phase du « pourquoi moi », le moment de la révolte, de la peur de l’inconnu
  3. La dépression et la tristesse : l’abattement, la nostalgie de ce qui était, « je n’y arriverai jamais, je n’ai aucune chance », un moment de découragement et de grande passivité.
  4. L’acceptation et le renouveau : l’espoir renaît, un autre futur est possible, le licenciement peut même être perçu comme une opportunité.

La période peut être plus ou moins longue, chaotique, difficile, faite d’allers-retours ou au contraire plus fluide, voire express. Certaines personnes restent « bloquées » dans une phase ou une autre. On se doute bien qu’une personne dans l’abattement des phase 2 et 3 peine à rayonner la confiance en soi et à avoir l’attitude positive et énergique nécessaires pour les postulations et les entretiens d’embauche à venir.

Permettre aux collaborateurs remerciés de « faire leur deuil » le mieux possible en leur offrant un soutien émotionnel et psychologique est un élément-clé afin qu’ils puissent se projeter rapidement dans un autre emploi et dans la suite de leur carrière. La maîtrise des outils favorisants le retour à l’emploi ne vient qu’ensuite. Il s’agira en effet, de définir un projet en se basant sur les expériences et compétences acquises, de cibler son marché, de réseauter (environ 75% des personnes licenciées retrouvent dans le marché caché, par le biais de leur réseau) et d’optimiser sa candidature par un CV, un profil LinkedIn, un pitch, …, porteurs et efficaces. Pour les accompagner au mieux, les entreprises peuvent proposer par exemple :

  • Une cellule interne d’écoute, animée par du personnel formé (des coachs et des psychologues)
  • Un accompagnement par un professionnel extérieur à l’entreprise
  • Un accompagnement de type outplacement, avec une dimension individuelle et collective, avant et pendant le départ du collaborateur
  • Des formations
  • Des évènements de réseautage

Certaines grandes entreprises et multinationales ont des secteurs différents où les compétences transférables de certains collaborateurs licenciés feraient merveille. Une meilleure connaissance intersectorielle des compétences et une meilleure collaboration entre les différents services RH permettraient peut-être de proposer des déplacements plutôt que des licenciements. Les entreprises qui ont mis en place un processus de gestion de carrière et qui sont en mesure d’informer les collaborateurs plusieurs mois en avance que leur poste sera supprimé, observent que près de 60% des personnes concernées sont repositionnées à l’interne. Cela permet de maintenir les compétences en place et d’augmenter l’engagement des employés.

Chaque situation est à considérer soigneusement de façon individuelle, même en cas de licenciement collectif. Les étapes du changement sont vécues par chacun mais l’impact n’est pas le même sur un collaborateur de 57 avec 15 ans d’ancienneté et trois enfants aux études que sur un collaborateur de 32 ans célibataire sans enfants qui vient d’arriver dans l’entreprise et dont c’est le 2e emploi. Afin de tenir compte de ces différences, certaines entreprises proposent un accompagnement adapté au profil de la personne.

Pour ceux qui restent

Contrairement à ce que l’on peut penser, la situation n’est pas toujours mieux vécue par les collaborateurs qui restent. Ils développent souvent un sentiment de culpabilité d’avoir été épargnés, tout comme les survivants d’un attentat ou d’une catastrophe culpabilisent d’avoir survécu. L’expression « syndrôme du survivant » qui est appliquée ici à l’entreprise, a son origine, dans la description du vécu de ces personnes qui ont échappé à la mort. La courbe de deuil, bien que généralement moins marquée chez les « survivants », s’applique également. Les licenciements perlés sont à éviter autant que possible : les collaborateurs qui se demandent chaque mois s’ils seront les prochains sur la liste ne sont psychologiquement pas en mesure de se consacrer pleinement à leur travail, leur attention et leur énergie étant partiellement accaparées par leurs efforts pour gérer leur stress et leur anxiété.

L’analogie n’est pas innocente et exprime bien les phases émotionnelles difficiles par lesquelles passent les collaborateurs. ll s’agit, pour l’entreprise, de maintenir l’engagement et la confiance. Une communication claire et transparente, des engagements qui pourront être tenus, une feuille de route pour la suite, sont autant d’action à mettre en place rapidement après l’annonce des licenciements. Il est aussi important que les employés trouvent une oreille attentive et empathique auprès de leur manager. Idéalement, il faudrait que les employés aient déjà été formés à la gestion du stress et des émotions, par exemple par l’introduction de la pleine conscience. Parallèlement à cela, des actions visant au développement de l’employabilité, par l’acquisition de compétences « douces » (soft skills) et de savoir-faire transférables permettent de redonner foi en l’avenir. Ces démarches visant l’augmentation de l’employabilité devraient être mises en œuvre avant que le licenciement collectif ait lieu afin de permettre aux uns et aux autres des se repositionner plus facilement à l’interne ou à l’externe.

 

A lire: 

Licenciement collectif : exigences, procédure et check-list de Me Dominic Steffen

Jacques-Antoine Malarewicz « Petits deuils en entreprise »

 


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